Soutien de la classe politique au pouvoir en place : le salaire de la peur et de la compromission

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Le 17 avril dernier, au sortir d’une audience avec le chef de l’Etat, des représentants de la classe politique burkinabè ont déclaré soutenir le gouvernement dans sa politique actuelle. De là à penser qu’au nom des intérêts supérieurs de la nation, pour reprendre l’expression consacrée, des acteurs politiques donnent comme un blanc-seing au capitaine Ibrahim Traoré, il y a un pas vite franchi.

Mais qu’est-ce qui se cache derrière cet unanimisme espéré de politiques burkinabè derrière le MPSR II au moment où des observateurs et pas des moindres s’inquiètent au sujet du respect des droits humains, notamment ceux de la liberté d’expression et de presse d’une part et d’autre part sur le déni, par le pouvoir, de l’existence de massacres de personnes sur la base de leur appartenance communautaire ?

Avant le compte rendu laconique de la direction de la Communication et de la Presse présidentielle (dont la plupart des quotidiens ont repris de manière fade le titre et le texte) sur cette rencontre sans relief, l’opinion publique burkinabè a eu droit à un laïus de l’ancien chef de file de l’opposition politique, Eddie Komboïgo du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) à propos de cette entrevue. L’une dans l’autre, ces annonces font état du soutien de la classe politique nationale à la politique du président de la transition, chef de l’Etat, notamment ses actions de reconquête du territoire national. A en croire l’ancien chef de file de l’opposition politique, le président de la transition leur aurait donné des informations sur les progrès réalisés en la matière et des assurances sur le succès final des forces de défense et de sécurité (FDS) avec l’appui des volontaires de la défense de la patrie (VDP) sur les groupes armés terroristes.

Moins d’une semaine après ces déclarations et au vu de celles de partis ou mouvements politiques nées sous la transition, notamment le Parti pour le progrès social (PPS) dont les fondateurs sont des transfuges de l’ex-parti au pouvoir le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) ou le Front uni pour le Faso (FUF) animé par des personnalités connues pour leur proximité avec le MPP, on peut légitimement s’interroger sur la matérialité du soutien de la classe politique au capitaine Ibrahim Traoré et également sur les motivations réelles qui ont poussé l’ancienne majorité, l’ancienne opposition, les partis précédemment non affiliés et non représentés au Parlement à apporter (au regard des communiqués en tout cas) un si franc soutien au régime en place ?

La légitimité de ces questionnements réside dans le fait que la réalité du terrain jure avec les faits : les attaques des groupes armés se poursuivent et se sont même intensifiées avec une augmentation des cohortes de victimes, de déplacés internes, d’appels au secours et d’accusations d’exactions contre les populations civiles par les FDS et les VDP. Le nombre des écoles fermées a également crû. Idem pour les autres infrastructures socioéconomiques et le Burkina Faso est devenu le deuxième pays du monde subissant des attaques terroristes après l’Afghanistan.

Autre source d’interrogation, la surdité et l’aphonie de la classe politique devant les inquiétudes de mouvements de la société civile, des organisations professionnelles des médias, d’organismes non gouvernementaux ou internationaux, exprimées dans des déclarations sur la détérioration de la situation sécuritaire, humanitaire et des libertés démocratiques. Cette interrogation est d’autant plus opportune et légitime que, de par le passé, les partis politiques (hormis ceux qui étaient au pouvoir), dans les contextes d’atteintes aux libertés fondamentales des citoyens, s’affichaient comme des alliés objectifs de la société civile et des médias dans la dénonciation des menées liberticides des différents régimes (s’ils n’en étaient pas les acteurs principaux).

A l’évidence, ce silence bruyant n’est pas seulement dû à l’interdiction officielle de leurs activités par le pouvoir en place ; il y a aussi et surtout la peur de certains acteurs politiques de subir la colère du régime des capitaines qui peut s’exprimer par le biais de l’exhumation d’affaires nauséabondes. Dans une situation où l’institution judiciaire peine réellement à affirmer son indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif malgré les dispositions législatives et les moyens matériels dont elle a été dotée, il s’ensuit que nombre de politiques se disent qu’il faut réfléchir par deux fois avant d’oser croiser le fer avec les capitaines. En outre, ce soutien de mauvais aloi au gouvernement actuel est, en fait, comme une manifestation de gratitude de certains acteurs politiques envers le capitaine Ibrahim Traoré pour service rendu.

Dès lors, derrière cette volonté d’unanimisme recherché par une partie de la classe politique au régime des capitaines, il y a comme une ‘’union sacrée’’ en trompe œil. Qui dit que ce n’est pas, en réalité, l’expression de la peur qui conduit à la compromission ? La vérité, c’est que la situation politique nationale reste marquée par la vision manichéenne des partisans du MPSRII qui catégorisent les Burkinabè en patriotes et en apatrides. Les patriotes étant ceux qui, en toute naïveté ou (surtout) par intérêt sonnant et trébuchant, ferment les yeux sur les dérives autoritaires et liberticides du régime en place ; et les apatrides, ceux des Burkinabè qui estiment que les impératifs sécuritaires ne devraient aucunement justifier la culture de la pensée unique, véritable chape de plomb que l’on voudrait faire peser sur le Faso.

Sahansoa SOMDA   

Wendmanegre

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