Les confessions religieuses au Burkina Faso sont considérées comme de simples associations et régies donc par la loi n° loi n° 064-2015/CNT du 20/10/2015 portant liberté d’association au Burkina Faso. Or, la question du rapport diachronique de l’humain à l’être transcendant et de ses relations synchroniques avec ses coreligionnaires dans les religions monothéistes dites révélées suscite des passions (et déclenche parfois des folies) qui ne relèvent pas des simples enjeux associatifs mais incluent également la dimension spirituelle, théologique et doctrinale.
Cela dit, il est important de noter à propos des relations interconfessionnelles que si elles ne sont pas ouvertement conflictuelles entre les organisations faîtières catholique, évangélique et musulmane, force est de constater que la convivialité et la bienveillance entre les hauts responsables n’est qu’apparente et que dans le secret des lieux de culte, lors des causeries privées entre coreligionnaires et (même parfois) sur les réseaux sociaux, les discours de certains leaders religieux très influents sur les confessions différentes de la leur sont souvent teintés de dénigrements, de persiflages et de discrédit. On en vient donc à penser que les apparitions publiques, l’apologie de la tolérance religieuse et l’affichage parfois péremptoire de l’entente entre adeptes des religions du Livre ne sont en fait que des pièces de théâtre savamment mises en scène pour amuser la galerie composée des pouvoirs publics, l’opinion publique et les partenaires au développement.
Cette impression est corroborée, surtout après l’avènement du MPSR2, par les réflexions de très hauts responsables religieux sur i) ce qu’ils estiment être des injustices d’Etat vis-à-vis de leur confession ; ii) la nécessité pour les adeptes de leur confession religieuse, au regard de leur importance démographique et de leur fortune, de faire de la conquête du pouvoir d’Etat, quelle que soit la manière, un objectif stratégique à atteindre avec diligence ; iii) le fait que bien que numériquement « minoritaires » les membres de leur religion regorgent de compétences et de qualités techniques inversement proportionnelles à leur poids démographiques et dont l’Etat de droit démocratique, libéral et laïc a besoin pour être gouverné…
Face à tous ces arguments (et il y en a bien d’autres) qui, pour compréhensibles qu’ils puissent être, ne servent pas l’intérêt général mais des intérêts de groupes même si de temps à autres ces intérêts épousent les contours de l’intérêt général.
C’est pourquoi, partant des initiatives prises sous les présidents Blaise Compaoré (Forum national sur la laïcité), Michel Kafando (opérationnalisation de l’Observatoire national des faits religieux-ONAFAR), Roch Marc Christian Kaboré (rédaction d’un avant-projet de loi sur les libertés religieuses même si la méthodologie a provoqué une levée de boucliers de la communauté des musulmans), le gouvernement du président Paul-Henri Sandaogo Damiba, à travers le ministère chargé des cultes, avait, en synergie avec les faîtières religieuses et traditionnelle réussi à finaliser l’avant-projet de loi portant libertés religieuses et il ne restait plus qu’à l’introduire en Conseil des ministres pour en faire un projet de loi, à envoyer à l’Assemblée législative de la transition (ALT) pour adoption.
Cette action est partie du constat que la constitution reconnaît à son article 7 les libertés de croyance et de non-croyance dans un contexte national marqué par une pluralité des confessions religieuses. Toutefois, la relative coexistence pacifique a été mise à mal depuis le début des années 2010 par une situation internationale, sous régionale et nationale marquée par l’effritement de la tolérance religieuse, l’immixtion des religions dans la sphère de l’Etat, la radicalisation et l’extrémisme violent à connotation religieuse, le syncrétisme politico-religieux servant de moteur à des mouvements combattant (sur les réseaux sociaux, dans la rue et dans les lieux de culte) avec une violence jamais égalée toute critique sur la gouvernance actuelle du pays ; foulant ainsi au pied les libertés fondamentales des citoyens.
Ainsi, l’objectif d’une telle loi visait « à combler le vide juridique (à l’échelle législative) dans le domaine de la religion, à encadrer les pratiques religieuses, à assurer l’égale protection des libertés religieuses de l’ensemble des personnes vivant au Burkina Faso, à promouvoir la tolérance religieuse et à prévenir les dérives sectaires qui peuvent découler du pluralisme religieux ».
Il nous revient fort heureusement que le ministère en chargé des libertés publiques à qui incombe les attributions de l’ancien ministère chargé des cultes en fait l’une de ses principales priorités. Vivement que ce soit une réalité et vite !
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